Au vu des informations s’accumulant sur un probable effondrement de la société thermo-industrielle, cet article se veut une pierre de plus vers le développement d’une « résilience » des communautés humaines et des savoirs nécessaires à leur survie. Il préfigure à cet effet un projet « d‘Indice(s) de résilience(1) ».
Il s’inscrit dans la continuité des travaux initiés par l’association Adrastia avec le projet de label lowtech auquel j’ai pu participé. Il se veut comme une carte pour nous orienter dans les transitions à venir. Un pas de plus dans notre cohérence collective.
Le projet commun que je vois se dessiner avec un « Indice de résilience » me semble être un pont entre une réflexion théorique sur les enjeux, les effets ainsi que les aménagements possibles en face d’un éventuel « effondrement » et une action caractérisée par des aménagements déjà en construction dans les milieux dits des « Transitions ».
Cet indice me semble capable de donner de la visibilité, de la lisibilité et de la cohérence à ces démarches aujourd’hui encore embryonnaires.
Il répond par ailleurs à la double nécessité d’une mutation écologique-énergétique ainsi que sociale-commune de notre société.
Pour suivre et participer au développement de l’indice vous pouvez vous rendre sur la documentation générale, nous rejoindre sur la liste mail ou le groupe dédié.
L’INDICE
Cadre
Cette démarche est et me semble devoir rester principalement une invitation à développer notre discernement et notre intuition (notre esprit critique) dans un contexte d’effondrement en permettant de confronter nos avis à une communauté. Le plus important reste donc d’ouvrir la discussion sur nos démarches (expérimentations) et réflexions (recherches) respectives. Cela se fera il me semble par la co-construction de l’ensemble des critères/questions qui définissent cet indice ainsi que la documentation et le partage de nos « réponses ». Par ailleurs et afin de pouvoir partager plus facilement cette démarche une notation dite « intuitive » sur ces critères/questions est envisagée.
En quelques points
– L’indice se veut être un commun(2), entretenu et développé par une communauté.
– Il se concentre sur des techniques (au maximum « lowtech ») qui permettent de répondre(3) à des besoins (ex : se chauffer avec un poêle rocket).
– Il ouvre la discussion sur différentes questions/critères co-construits par la communauté. Je propose (à titre d’exemple et de manière très succincte – voir le commentaire de Rudy sous l’article pour entrevoir la complexité des débats que nous allons devoir mener) ces quelques questions :
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- Utilité (besoins de 1er niveau -physiologique, 2e niveau..) / rapport énergétique (Taux de Retour Énergétique : énergie investie/énergie extraite) ?
- Disponibilité de la ressource primaire (ex : quantité de bois, quantité de pétrole, quantité de nourriture) ?
- Disponibilité des éventuels outils pour extraire/transformer la ressource ?
- Réparabilité et possibilités d’auto-construction des outils ?
- Difficulté d’apprentissage des savoirs nécessaires depuis l’extraction de la ressource jusqu’à son utilisation finale (temps moyen d’acquisition) ?
- Disponibilité/reproductibilité de ces connaissances ? (ex : Licence libre ou brevet ?)
NB : je considère qu’au-delà d’un certain seuil de technicité/complexité d’un objet/technique (à expliciter) il devient non intéressant de se poser toutes ces questions. À titre d’exemple, évaluer la résilience des outils/ressources/compétences… pour construire un Iphone me semble d’une part vain et d’autre part inintéressant au titre de cet indice qui je le rappelle découle d’une réflexion basée « lowtech ». En effet, nous partons du principe (au vu des connaissances à notre disposition) que la résilience de tels objets/techniques est à peu près égale à 0.
– Chacun de ces critères est envisagé autant que possible dans différentes temporalités :
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- Aujourd’hui ?
- Pendant la phase de transition ?
- À terme ?
– L’Indice comprend la possibilité de donner une note à travers un modèle d’auto-évaluation. Chaque critère/question pouvant par exemple recevoir une note allant de 1 à 5 : 1 (très faible), 2 (faible), 3 (moyen), 4 (fort) à 5 (très fort). (ex : notation des films sur allociné – chacun est libre d’attribuer une note à chaque critère et une moyenne est établie)
– Au vu de la complexité des phénomènes en jeu, cette notation(4) se fait de manière intuitive après avoir proposé des réponses aux différentes questions/critères (ce qui reste le plus important, la notation étant un moyen de diffusion et de synthétisation « extrême » des avis et non une fin en soi).
– L’indice existerait donc grâce à deux parties distinctes mais complémentaires :
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- un espace type wiki (puis de l’édition de documentation papier(5) ?) pour documenter les réponses aux questions/critères de l’indice où chaque visuel aurait sa propre page. Et un espace pour le processus d’élaboration de ces critères/questions (espace de gestion du commun)
- un visuel simple qu’on pourrait mettre n’importe où (dans des livres, sur un tutoriel du lowtechlab…). Il serait composé d’un « groupe d’alvéoles » permettant de synthétiser l’ensemble des notations (cf essai visuel marque collective TILIOS). Chaque alvéole pourrait représenter une question/critère que l’on identifierait par la couleur de fond. À l’intérieur on y trouverait la note correspondante. Le groupe entier d’alvéoles bénéficierait ainsi d’une note totale placée au centre.
Précisions
(1) Le terme de résilience choisi pour définir l’indice dans cet article n’est en rien définitif. Plusieurs termes ont été évoqués lors des rencontres qui ont précédé l’écriture de cet article comme « plasticité », « adaptabilité », « sobriété », etc. Il conviendra de continuer nos échanges pour arriver à un commun accord sur le vocabulaire à adopter.
(2) La gestion de l’indice doit tendre à l’auto-organisation (stigmergie) pour ne pas favoriser seulement la diffusion de notre travail mais l’implémentation réelle dans la société.
(3) Les réponses doivent toujours se questionner selon leurs conditions et circonstances locales propres à leurs applications/usages. Le contexte (écologique/géographique) doit ainsi toujours apparaître.
(4) Les notes pourraient être données dans un esprit de correction communautaire (type encyclopédie libre).
(5) Des modèles complémentaires par leur visibilité numérique-plateforme/physique-catalogue sont à envisager pour la diffusion. Le physique me semblant devoir être pensé comme la brique/base fondamentale puisque l’utilisation du numérique elle-même risque fort de ne pas recevoir une notation favorable au regard de sa dépendance actuelle à la société thermo-industrielle.
Bonjour,
L’évaluation « intuitive » sur un ensemble aussi complexe me parait délicate.
Indépendamment de cela sur lequel je reviendrais toutefois, mes premières observations sont les suivantes :
1°) Sur le « ratio » utilité / TRE : poser « on s’autorise un TRE ‘dégradé' » pour répondre à des besoins jugés critiques et « on focalise le travail seulement vers des TRE de bon niveau pour des ‘besoins’ de ‘niveau’ plus ‘élevé’, c’est encrer une hiérarchie des besoins qui pourrait bien ne pas être partagé. Personnellement, maintenir un vie biologique qui se nourrie s’abrite, se vêtis, mais ne se réalise / accomplie pas intellectuellement, n’a pas grand intérêt. Aussi nous pourrions poser que l’on s’autorise un TRE dégradé pour accomplir des projets de niveau plus important que répondre aux besoins physiologique.
A ce stade, chacun comprend que ce ratio peut évoluer dans un sens ou un autre sans qu’il permette de guider le jugement et la décision.
2°) Disponibilité de la ressource primaire. (? disponible, critique, quel lien au TRE)
La ‘disponibilité’ est à elle seul une indication complexe à produire. En Analyse du Cycle de Vie, ces indices portent (pour certains) sur la criticité, la distribution sur le globe et la concentration, d’autre indicateur reposent sur le caractère renouvelable d’autres sur des choses approchant le TRE (lien au 1°)
Bref, la déclinaison des indicateurs portant sur « les ressources » en ACV me laisse septique quant au fait de l’évaluer ‘intuitivement’. J’en saisi bien l’importance (que j’accorde à titre personnel également). Mais cela me semble trop générique pour ne pas tomber dans une dichotomie (ça pousse ou ça se creuse dans les dizaines de kilomètres alentour Ou pas). Et si c’est sur cette base que le jugement est porté, autant l’écrire sous cette forme.
3°) Disponibilité des éventuels outils de transformation (? existence, ? distribution, ? prix, ? protection d’exploitation)
Lié au 2°) (disponibilité des ressources pour les outils), au 4°)-5°)-6°)
Ici encore, décomposer cette dimension de « disponibilité des artefacts intermédiaires » me parait nécessaire sauf à retomber dans un dichotomie technique « pauvre » (bien que pas inintéressante). (quid de la phylogenèse technique et des chemins techniques minimaux).
4°) Appropriation des outils (auto-construction et maintenabilité)
Bis 3°)
5°) Niveau de technicité (acquisition – transmission des savoirs attenant) > lié au 6, au 4, au 3 et au 2 (Pour faire et apprendre à faire, il faut aussi de la matière. Le coût de la formation technique et les écarts de dotations entre filière notamment techniques pourrait donner quelques indices.)
De façon intéressante, les techniques d’apprentissage disponible sont aussi sensible ici. L’imprimerie comme les télécoms reposent sur des systèmes techniques. Le temps consacré à l’étude dépends des « économie de calories et de matériels » qui peuvent être fait sur d’autres postes productifs… Simple en apparence (de la façon dont je l’ai approché), cette dimension me parait après quelques minutes, peut-être l’une des plus complexes car elle relève de l’organisation de la société dans son caractère politique de reproduction sociale (« À qui on apprend quoi pour combien et où. »… de quoi mettre du grain à moudre au moulins parcoursup-ORE-chatel etc).
6°) Disponibilité de ces connaissances ? (ex : Licence libre ou brevet ?) > 3°) La protection à l’exploitation est différente de l’accès à la connaissance (les brevets sont publiés). Sans doute l’un des points qui me semble le « plus simple » à traité (sans autant dire facile).
a°) accessible ? b°) exploitable ?
C’est sans doute le type de décomposition qui me semble souhaitable pour travailler progressivement les dimensions précédentes.
… et ceci ne discute aucunement l’agrégation des dimensions de l’indice.
La dimension temporelle:
« Chacun de ces critères est envisagé autant que possible dans différentes temporalités »
Là « l’intuition » me semble devenir encore plus illusoire. Les chaînes de valeurs (chaîne de processus techniques), les concentrations et distributions de ressources, nos connaissances, évoluent dans le temps. La recherche, avec l’assistance de machine, peine déjà bien à estimer la chose au temps courant. Intuiter se qu’elle sera demain…
En fait il y a très souvent cette tension entre rationalisation (production d’outils, comme un « indice » pour ‘guider le jugement’) et le libre recours à l’heuristique individuelle (pifométrie, « le faire comme je le sens »). Dans mon champs de recherche, c’est ce qui à donner lieu à la thèse (puis norme) éco-conception (Travaux de Stéphane Le Pochat), ou les critiques de l’ACV proposant d’abandonner l’ACV complètement.
Ce qui me plaît le plus, c’est la dimension collective de l’élaboration. la « gestion en tant que commun ». La définition que j’ai produit durant ma thèse d’un artefact pour l’évaluation de la soutenabilité serait qu’il permette « de façon consistante et selon les opinions de l’évaluat-eur-rice de juger si une activité de transformation produisait consensus et institutionnalisation dans le cadre de l’évolution de cultures humaines, sans fin discernable et involontaire de leurs faits, par l’action ou l’inaction, pour lesdites cultures, ou pour l’écosystème, dans sa diversité, sa complexité et sa capacité à supporter la vie. »
À chaud je dirais que la dimension Communs, dans ce qu’elle peut produire une marche consensuelle et institutionnalisante est de loin la caractéristique la plus importante de ce projet.
Merci Anton pour ce texte. J’ai le plaisir de voir que votre projet est très proche de ce à quoi j’avais songé.
Une première question toutefois: nous étions plusieurs membres Adrastia bien impliqués l’année dernière dans ce projet: Betrand Gaussens, Christophe Nétillard, Hugo Maussion. Pourquoi ne pas nous gardé dans la barque ? Question nom, je pencherais pour garder le terme ‘low-tech’, qui a un potentiel d’accroche important. Mon idée de base était de pouvoir rentrer dans un tel commun plusieurs solutions à un besoin, et de fournir une comparaison selon des critères (OK pour ceux proposés à ce stade), incluant des produits du commerce et de du fait soi-même, ou une combinaison des deux. Exemple: construire une cloison => acheter du placo, du fermacel, des briques en chanvre, faire des murs en terre de pisé. Je pensais que cela pourrait aussi devenir un argument de vente pour des produits authentiquement low-tech, si la note est établie par des citoyens. A suivre !
Salut Mathieu,
Merci pour ce retour. Je t’avoue ne pas avoir beaucoup de temps ces jours-ci (programme déjà bien chargé) mais pour te répondre rapidement :
« Pourquoi ne pas nous garder dans la barque ? » C’est une très bonne question que je me suis moi-même posé plusieurs fois quand à la communication autour de ce projet dont j’étais pour ma part un simple contributeur. Mon avis c’est qu’Alexandre a orienté le projet au sein d’Adrastia de manière différente (ce qui n’est pas en soi un problème) mais le relais avec les contributeurs n’a pas été correctement assuré. Donc il y a eu une confusion assez importante sur qui faisait quoi avec qui et un manque de communication par dessus qui ont mené à la clarification récente envoyé par mail. J’ai du coup pris le relais à ce moment de mon côté pour assurer une diffusion de l’information plus clair et régulière (d’où le groupe, les pads, la liste, etc.) autour du projet d’Indice qui a émergé.
En résumé, j’étais moi-même assez confus dans tout ça et je n’avais pas la main sur les listes des rencontres lowtech d’Adrastia donc je ne pouvais pas faire grand chose.
Question du coup de comment s’est orienté le projet jusqu’à s’appeler Indice de résilience c’est au fur et à mesure des discussions qui ont eu lieu cet hiver. Mais je pense que ça se clarifiera/précisera lors de la rencontre de cet été (pour ceux qui ne pourraient pas être sur place mais qui voudrait participer il y aura surement de quoi). Comme le fait de voir les différents projets complémentaires qui pourraient émerger suivant les énergies/intérêts autour de ces questions (car il y a 1000 projets possibles !) 😉
J’espère que ça répond un peu à tes questions,
Solidairement,
Anton